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14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 17:28
Les tribulations d’un pêcheur immigrant

L’arrivée dans un nouveau pays m’a amené son lot d’espoirs et d’illusions, particulièrement en matière de pêche et surtout quand le pays en question est le Québec. Mais, la vie du pêcheur ressemble souvent à la vraie vie et il a fallu se confronter et s’adapter à une nouvelle réalité de pêche. Si le plaisir est bien sûr au rendez-vous, il a également fallu commencer à tout réapprendre. Retour sur 3 ans de découverte halieutique.

 

Un nouveau terrain de jeu

 

Et quel terrain de jeu s’ouvrait à moi : le Québec et par extension le reste de l’Amérique du Nord. Les perspectives et opportunités de pêche sont comme les distances ici : immenses. Le nombre d’espèces disponibles, les innombrables lacs et rivières, la proximité des USA, les territoires sauvages… Tout ça fait rêver. Mais une fois sur place, les possibilités se confrontent à la vie de tous les jours qui fait réduire comme peau de chagrin le temps que je peux consacrer à ma passion. Ainsi, il m’a fallu revoir mes attentes à la baisse et me concentrer sur certains poissons, dans des zones proches de mon domicile.

En effet, les bons coins de pêche sont nombreux ici. Mais il faut garder les distances en tête. Et faire 6h de route aller-retour, quand on n’a qu’une petite journée de pêche devant soi est irréaliste. Il m’a donc fallu trouver mon bonheur à domicile.

Un simple coup d’œil à Google Earth donne le tournis : partout des tâches et des lignes bleues, partout des lacs et des rivières. Ce sont autant de coins de pêche potentiellement très productifs. Mais une fois sur place, les choses se compliquent. Et le premier problème à résoudre est l’accès.

 

Les tribulations d’un pêcheur immigrant

S’il s’agit d’une zone urbaine ou proche, le plus difficile est de trouver un chemin pour rejoindre l’eau. Les propriétés privées bordent les rivières et lacs, mais il n’existe pas de droit de passage obligatoire. Certains coins sont donc tout simplement inaccessibles, sauf à connaître un propriétaire arrangeant (ça se trouve!). Ainsi, j’ai un lac à environ 300 mètres de chez moi, mais qui ne m’est pas du tout accessible (pour le moment). Il m’est arrivé souvent de repérer un coin prometteur sur la carte, mais de ne trouver aucun moyen d’y accéder.

Pour les zones plus éloignées, si le problème des propriétés privées est moins présent, se pose celui de la nature sauvage. Il n’y a parfois que quelques centaines de mètres de forêt à franchir pour rejoindre un spot inexploré… Mais traverser ne serait-ce 300 mètres de forêt d’épinettes aux branches denses et acérées est tout un défi!

Le meilleur moyen est, comme partout, de se faire indiquer les bons coins ou les bons accès. Mais, comme partout, les pêcheurs d’ici gardent précieusement leurs bons coins secrets. Ils renvoient souvent à la rivière ou au lac « Ferme ta gueule ». 

Malgré tout, en cherchant bien on se découvre quelques jolies petites rivières, densément peuplées de petites truites.

Il faut aussi être prêt à beaucoup marcher : comme partout, les meilleurs coins sont loin des accès. D’autant que les pêcheurs d’ici prélèvent volontiers leurs prises. Le quota étant à 15 truites par jour, il est préférable de s’éloigner des coins connus.

Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant

Côté poissons

 

Sur le plan des espèces, je me suis surtout concentré sur la truite (même si je ne rechigne pas à une sortie au brochet ou au doré…). C’est ma pêche naturelle, celle que j’aime le plus et c’est tout simplement plus facile et pratique pour moi (relativement au temps que je peux consacrer à pêcher). D’autant que courir trop de lièvres à la fois risquerait de m’égarer, car je n’ai malheureusement pas assez de temps pour tout chercher. Et prospecter de nouveaux coins de pêche prend beaucoup temps. Je suis toujours devant un dilemme : améliorer ma connaissance des rivières que je fréquente déjà ou bien essayer d’en découvrir une nouvelle, prometteuse. C’est un choix toujours délicat, surtout quand la saison est aussi courte. J’essaie donc d’équilibrer les 2. J’ai 1 ou 2 rivières que je visite régulièrement et que j’ai envie de découvrir plus avant. Il est important pour moi d’avoir une ou deux préférées, avec lesquelles j’ai une relation particulière. Mais pour bien connaître une rivière, ses habitudes, ses caprices et ses habitantes, il faut beaucoup la pratiquer. D’un autre côté, la meilleure rivière de la région reste peut-être à découvrir...

Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant

J’ai surtout pratiqué les rivières, laissant un peu de côté les lacs qui nécessitent une embarcation. Les rivières d’ici sont, le plus souvent, granitiques. Elles coulent des eaux acides couleur de thé. C’est un obstacle majeur à la prolifération des insectes aquatiques et donc au grossissement des truites. Il faut retourner pas mal de pierres pour trouver des larves. La taille moyenne des truites est donc relativement petite. Bien que de beaux spécimens soient présents par-ci par-là. Il ne faut pas s’attendre à de grandes éclosions où la rivière est couverte de gobages d’énormes truites.

On a ici la chance d’avoir plusieurs espèces de truites dont les mouchetées, les arc-en-ciel et les brunes (la grise est présente aussi). La plus répandue est la mouchetée. Les brunes sont plutôt localisées dans le sud de la province. Les arcs, elles, considérées comme invasives, se retrouvent dans beaucoup de cours d’eau, souvent en cohabitation avec la mouchetée.

Les truites d’ici se tiennent souvent en plein milieu de la rivière, dans le courant le plus fort, le plus profond. Cavées sous leurs pierres, elles attendent l’opportunité d’un repas. J’ai peu rencontré de poissons postés pour s’alimenter (à part les brunes sur une éclosion), ou en maraude le long des berges. Il s’agit plus de pêcher l’eau en espérant convaincre une truite affamée.

Si la taille est modeste, les densités sont assez impressionnantes. Une fois la bonne technique du jour trouvée, le résultat peut être excellent et le nombre de poissons leurrés par jour peut être très très élevé.

Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant

Mouches et techniques

 

Comme je l’évoquais plus haut, toutes les techniques sont efficaces, pourvu qu’elles soient employées dans les bonnes conditions. Les truites ont jusqu’à présent répondu au streamer, à la noyée, à la nymphe ou à la sèche. La saison estivale est courte et les poissons doivent se dépêcher d’en profiter avant que ne regèle la rivière. Ils ne sont donc pas trop regardants. La majorité des rivières que je pratique roulent des eaux rapides, où les truites n’ont que peu de temps pour se décider à prendre ou non.

Pour les mouches, je n’ai donc pas cherché la complication. Je suis allé sur les classiques, des modèles incitatifs et génériques : elk hair caddis, pheasant tail, wolly bugger… dans des couleurs classiques : olive, brun, jaune… Il ne faut pas pour autant penser que tous les modèles sont efficaces. Et il faut en permanence tester, selon les conditions d’eau ou de météo. J’ai donc proposé toute un panel de mouches, en essayant de faire ma liste restreinte des plus efficaces.

Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant

Il existe aussi des modèles spécifiquement Québécois, comme la André A, éprouvés par les anciens. Ils sont à avoir dans la boîte…

La technique du dry/dropper (tandem sèche et nymphe) est celle que j’utilise le plus. D’abord parce qu’elle est très efficace : se donner la double chance sèche et nymphe est vraiment productif. De plus, c’est une pêche que je trouve extrêmement agréable. C’est une pêche de prospection, dynamique, faite des centaines de lancers. Et puis, si la nymphe donne de très bons résultats, c’est un plaisir incomparable pour moi de voir une truite monter gober une mouche. C’est donc une méthode qui allie plaisir et efficacité. Je la pratique en pêchant très léger, avec une canne en soie #3. La pêche est fine, toute en précision et en toucher. C’est vraiment l’idéal pour pêcher les petits cours d’eau.

Voir plus loin

 

Bien sûr, ces 3 ans de pêche au Québec sont loin de m’avoir donné accès au tableau complet. Il y a bien d’autres possibilités. Les brochets, dorés et achigans sont nombreux ici. Et il y a aussi (entre autres), le saumon, le steelhead, la truite de mer, etc. Ce sont autant d’espèces à chercher pour les saisons à venir. Ce sont aussi énormément de régions à visiter. Rien qu’au Nord du 49è parallèle, la superficie du Québec est de 2 fois celle de la France. Ces territoires regorgent de rivières et lacs isolés et remplis de saumons, d’ouananiches, de truites grises, d’arctic chars… Il faudra s’armer de patience et mettre de l’argent de côté pour les prochaines années.

Il faut aussi compter avec le fait que ce sont des pêches aux techniques et approches particulières, avec lesquelles je ne suis pas familier. Ce sont autant de façon de pêcher, de « trucs » à apprendre… avec les temps… ou idéalement, avec un mentor.

Les tribulations d’un pêcheur immigrant
Les tribulations d’un pêcheur immigrant

Les États-Unis sont également tout proches. Bien que moins connu que l’Ouest, l’Est abonde en rivières où la pêche est de grande qualité. J’avais déjà pêché dans le Connecticut. Et j’ai pu découvrir la région des Catskills, état de New York, pour un week end au mois de mai 2015. Ces 3 jours vaudraient un article à eux seuls. Je n’avais jamais vécu un week-end de pêche comme celui-là. La rivière était grouillante d’insectes et bouillonnante de gobages. Les éclosions massives duraient des heures. Et le nombre de poissons présents et actifs était simplement hallucinant! 3 jours à pêcher en sèche de grosses truites brunes et arc-en-ciel sauvages affamées mais tatillonnes… Des dizaines de gobages attaqués… avec l’espoir d’un poisson trophée (finalement convaincu et perdu le dernier jour). Le plaisir à l’état pur! (J’y retournerai d’ailleurs bientôt, bien accompagné). L’Est des USA offre par ailleurs bien d’autres opportunités, à une distance raisonnable. Les superbes décors et la qualité des rivières sont des aimants pour un pêcheur passionné comme je le suis.

 

En conclusion, j’ai jusqu’à présent pris beaucoup de plaisir à découvrir mon nouveau terrain de jeu, même si mes rêves d’avant le départ ont été secoués par la réalité. Pour un pêcheur, les possibilités de prendre du poisson et du plaisir sont innombrables. Mais il ne suffit pas d’arriver et de lancer sa ligne au hasard. Au-delà du fait qu’il y a tout un territoire à prospecter et qu’il faut passer du temps pour le découvrir, il faut aussi penser qu’on doit s’adapter à un nouvel environnement de pêche. Les espèces sont différentes, la façon de pêcher également. On doit trouver la meilleure technique et une nouvelle approche (par exemple, la nymphe à vue tellement pratiquée sur mes rivières de France, n’est pas possible ici). Le comportement des poissons est différent aussi, le cycle de vie des rivières, les types d’insectes présents… bref, il faut s’appuyer sur ses basiques et presque tout réapprendre. Il faut prendre d’autres façons de faire, d’autres habitudes… ainsi c’est tout un nouveau monde de pêche auquel il faut s’adapter. La tâche est loin d’être aisée, mais le plaisir n’est pas si dur à toucher du doigt. Je dois préciser que j’ai découvert des rivières au paysage parfois enchanteur où j’avais la sensation d’être seul au monde, où le nombre de truites prises se compte en plusieurs  dizaines.

Pour finir, je souhaiterais préciser que ce texte ne se veut pas une analyse ou un portrait complet de ce qu’est la pêche au Québec. C’est plutôt l’expression de ma propre expérience de pêcheur passionné arrivé récemment dans un nouveau pays. Je n’évoque pas non plus les pourvoiries, ou autres secteurs privés pour lesquels la problématique est bien différente, puisque tout est déjà organisé. On y fait facilement de très belles pêches, sans les problèmes d’accès et avec toutes les commodités. Mes rares visites se sont soldées par de belles pêches.

Il y a sans doute, pour un pêcheur, énormément plus à trouver au Québec que ce que je décris ici. Il y a d’autres choix à faire, d’autres opportunités à explorer. Je n’ai passé que 3 saisons ici pour le moment. Les prochaines m’apporteront sans doute bien d’autres découvertes. J’aurai sans doute beaucoup d’autres histoires à raconter et beaucoup d’autres photos de beaux poissons à poster…

 

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